dimanche 13 décembre 2009

CRP, LT, AT, AC, Ch2, S2, §19: La forme logique de tous les jugements consiste dans l'unité objective de l'aperception des concepts qui y sont contenus

Sur perception et aperception: je perçoit du rouge, aucune synthèse n'est impliquée dans cette perception, elle est une donnée directe, toujours accidentelle. Pas besoin d'apercevoir un objet pour percevoir le rouge. L'aperception est liée à une acte de synthèse qui unifie le divers, donc un acte purement intellectuel ou cognitif par lequel de la "matière" est soumise à la synthèse selon un concept. La liaison, c'est d'une certaine façon rien. Rien de donné, aucune matière ne s'y trouve, c'est un pur acte de pensée.

Je ne sais pas s'il est très "correct" d'interpréter l'aperception de cette façon, mais je pense que c'est efficace pour comprendre: je perçoit la matière de mes intuitions, pures ou empiriques, c'est donné par la sensibilité, mais le concept, en tant que pur acte de pensée, ne peut pas être perçu ni donné, il est un schéma et un acte, donc on pourrait dire que l'on aperçoit l'objet constitué dans l'acte de synthèse aperceptif.

Kant critique la définition classique des jugements: rapport entre deux concepts. Le rapport en question n'est pas déterminé. A est B. Quel est la signification de la copule "est"?

La copule "est" désigne la relation des représentations à l'aperception originaire et leur unité nécessaire, tandis que l'expérience nous livre tout au plus une association accidentelle. Autrement dit le est dit que c'est le corps lui-même qui est pesant, et pas que quand je soulève un corps, je ressens une pression. La copule est détermine donc une relation objective, et pas une association subjective.

samedi 12 décembre 2009

CRP, LT, AT, AC, Ch2, S2, §18: Ce qu'est l'unité objective de la conscience de soi

"L'unité transcendantale de l'aperception est celle par laquelle tout le divers donné dans une intuition est rassemblé dans un concept de l'objet. Aussi s'appelle-t-elle objective [...]".

Le divers pur spatial est donné dans une intuition pure, mais par là l'espace lui-même n'est pas encore pensé, il est un objet constitué par la synthèse pure du divers spatial. Cette synthèse pure du divers spatial rassemble le divers en un espace pour moi.

lundi 7 décembre 2009

CRP, LT, AT, AC, Ch2, S2, §17: Le principe de l'unité synthétique de l'aperception est le principe suprême de tout usage de l'entendement

Rappel: l'unité synthétique de l'aperception est la synthèse originaire opérée sur le divers sensible pur - à priori - et empirique - à posteriori -, rapportant toutes les représentations, tout le divers, à l'instance du je pense. Cette synthèse originaire est nécessaire si l'on veut comprendre la possibilité de toute autre synthèse.

La synthèse originaire réalise l'unité de la conscience, et permet de se représenter le je pense comme appartenant à toutes les autres représentations. C'est donc un acte de pensée, ou la représentation d'un acte cognitif. Le je apparaissant ainsi comme constitué par cet acte ou comme émergeant de cette synthèse primordiale comme présence identique à une multiplicité.

En tant qu'elles nous sont données, les représentations diverses de l'intuition sont soumises à l'espace et au temps, conditions formelles de notre sensibilité. En tant qu'elle peuvent être pensées et connues, elles doivent être liées dans une conscience unique, et sont donc soumises au principe de l'aperception originaire.

L'objet est ce dont le concept réunit le divers d'une intuition donnée. La connaissance est le rapport de représentations à un objet. Donc connaître est un acte de synthèse, sous ou selon un concept, de représentations diverses données.

"Ainsi, la simple forme de l'intuition sensible extérieure, l'espace, n'est pas encore une connaissance; il donne seulement le divers de l'intuition à priori pour une connaissance possible. Mais, pour connaître quelque chose dans l'espace, par exemple une ligne, il faut que je la tire, et qu'ainsi j'opère synthétiquement une liaison déterminée du divers donné, de telle sorte que l'unité de cet acte soit en même temps l'unité de la conscience (dans le concept d'une ligne), et que par là un objet (un espace déterminé) soit d'abord connu. L'unité synthétique de la conscience est donc une condition objective de toute connaissance; je n'en ai pas seulement besoin pour connaître un objet, mais toute intuition doit lui être soumise, pour devenir un objet pour moi, puisque d'une autre manière et sans cette synthèse le divers ne s'unirait pas en une conscience."

samedi 5 décembre 2009

CRP, LT, AT, AC, Ch2, S2, §16: De l'unité originairement synthétique de l'aperception

"Tous le divers de l'intuition à donc une relation nécessaire au: je pense, dans le même sujet où se divers se rencontre. Mais cette représentation est un acte de la spontanéité, c'est à dire elle ne peut pas être considérée comme appartenant à la sensibilité. Je la nomme l'aperception pure, pour la distinguer de l'aperception empirique, ou encore l'aperception originaire, parce qu'elle est cette conscience de soi qui, en produisant la représentation: je pense, qui doit pouvoir accompagner toutes les autres, et qui est une et identique en toute conscience, ne peut être accompagnée d'aucune autre."

Une représentation qui ne serait pas ma représentation, existe peut-être, mais n'est rien pour moi. Et ceci est valable pour toute représentation, à fortiori celles qui sont le produit de l'intuition, pure ou empirique. Les catégories sont des principes de synthèse de représentations, mais pour que la synthèse puisse être opérée, il faut que les représentations soient toutes ensemble disponibles pour être reliées.

L'aperception originaire ou pure est le je pense. Le Je pense est la représentation de la conscience de soi, une et identique, qui ne peut être accompagnée d'aucune autre.

Comment des représentations peuvent-elles être rapportées à une conscience de soi?

"Cette identité totale de l'aperception d'un divers donné..................................

dimanche 29 novembre 2009

CRP, LT, AT, AC, Ch2, S2, §15: De la possibilité d'une liaison en général

"[...] la manière dont le sujet est affecté [...]" L'espace, la spatialité, le temps et la temporalité, sont la manière dont nous sommes affectés. On ne sen lasse jamais! Pure possibilité de liaison, de rapports, à côté de... derrière... droitement ou rondement... avant l'un et après l'autre... Juste des rapports entre les "pixels" du divers sensible empirique. Un cadeau offert à l'entendement. La liaison elle-même est opérée par l'entendement, selon les degrés de libertés des catégories, acte de notre spontanéité.

"[...] toute liaison est un acte de l'entendement, auquel nous voudrions donner l'appellation générale de synthèse, pour faire saisir par là en même temps que nous ne pourrions rien nous représenter comme lié dans l'objet, sans l'avoir auparavant lié nous-mêmes [...]"

nous ne pourrions rien nous représenter comme lié dans l'objet, sans l'avoir auparavant lié nous-mêmes

Deux états de l'univers sont en eux-même disjoints, différents, donnés indépendamment l'un de l'autre. C'est le sujet connaissant qui lie ces deux états et expérimente la causalité. Et en effet, nous n'avons aucune preuve expérimentale de la causalité, et n'en n'aurons jamais: synthèse pure à priori!

Les catégories sont donc les 12 façons de lier à priori dans l'espace et le temps, à chaque fois la liaison est un principe d'unification du divers sensible. La liaison du divers sensible constitue des objets unifiés. La liaison elle-même est une représentation, mais celle-ci ne peut être donnée dans une intuition sensible, ni pure ni empirique, elle est le résultat d'un acte intellectuel. Cet acte procède du même principe qu'il s'agisse de lier le divers pur, le divers empirique ou des concepts dans un jugement: il s'agit toujours de lier selon des principes.

"La liaison est la représentation de l'unité synthétique du divers." Autrement dit: la synthèse qui unifie fait apparaître le divers comme lié. Il faut donc entendre le fait d'être lié comme une survenance à partir de l'acte de synthèse unifiante.

L'unité - qualitative - dont il vient d'être question n'est pas la catégorie d'unité - quantitative. L'unité synthétique est le principe originaire de l'entendement lui-même.

CRP, LT, AT, AC, Ch2, S1, §14: Passage à la déduction transcendantale des catégories

Comme disait l'autre, la CRP c'est 800 pages de cohérence parfaite...

Ou bien l'objet conditionne la représentation synthétique (synthèse empirique), ou bien la représentation synthétique conditionne l'objet... La première branche est exclue, quant à la seconde elle implique que la pensée soit cause de l'objet! Mais la représentation synthétique ne doit pas être comprise comme causant l'existence de l'objet, mais simplement de sa connaissance. Eh oui... L'objet n'est pas quelque chose d'existant en soi, mais seulement pour soi, en tant que nous le connaissons.

Les phénomènes nous sont connus comme des objets, c'est donc notre mode de connaissance lui-même qui va servir ici à la déduction transcendantale des catégories. Donc en soi, les changements physiques ne sont pas liés par une nécessaire causalité. Toute la science pure n'est donc valable que pour les objets en tant qu'ils nous sont connus!

De même que les objets donnés sont tous nécessairement spatiaux et temporels - puisqu'ils ne peuvent nous être donnés que par notre sensibilité et que celle-ci implique l'espace et le temps comme forme et condition de cette donation -, les objets sont nécessairement conformes aux catégories, en tant que celles-ci sont les conditions nécessaire de toute pensée d'un objet. Dans les deux cas l'objet n'est objet qu'en tant qu'il est connu de nous et par nous.

Articulation fondamentale: un objet n'est donné que dans l'intuition empirique - il est donc nécessairement spatio-temporel - mais aucun objet ne serait donné s'il n'était "en même temps" pensé. Sans la pensée pas d'objets, seulement des phénomènes sans objectivité. Un objet n'est donné empiriquement qu'en tant qu'il est aussi pensé.

"[...] la valeur objective des catégories comme concepts à priori, reposera sur ceci, que l'expérience (quant à la forme de la pensée) n'est possible que par elles. Car elle ne se rapportent alors nécessairement et à priori à des objets de l'expérience, puisque ce n'est que par leur moyen en général qu'un objet de l'expérience peut être pensé."

L'argument de Kant est donc le même que dans l'esthétique: la condition de la connaissance de l'objet conditionne l'objet lui-même. Qui du même coup n'est ce qu'il est qu'en tant que connu.

"Les concepts qui fournissent le fondement objectif de la possibilité de l'expérience sont par cela même nécessaires"

L'entendement est donc par ses concepts, auteur de l'expérience où se rencontrent les objets.

"Mais la dérivation empirique, à laquelle tous deux [Hume et Locke] eurent recours, ne peut se concilier avec la réalité des connaissances scientifiques à priori que nous avons, à savoir la mathématique pure et la science générale de la nature; elle est donc ainsi réfutée par le fait."

Ainsi donc nous retrouvons la clé de voûte de l'édifice systématique de la CRP: pour Kant les sciences pures à priori sont un fait établi et une évidence immédiate. Et c'est bien entendu là que le système de la CRP se dénoue et s'évanouit.

CRP, LT, AT, AC, Ch2, S1, §13 Des principes d'une déduction transcendantale en général

La déduction transcendantales des concepts purs est l'explication de la manière dont ils peuvent s'appliquer à priori aux objets de l'expérience. La nécessité attachée à ces concepts à priori exclu d'emblée tout recours à l'expérience dans cette entreprise. La déduction consiste donc en la mise à jour de leur origine.

Une fois de plus c'est l'expérience de la nécessité ou de la valeur objective à priori qui justifie, selon Kant, que la déduction ne puisse être que transcendantale, et non empirique, puisqu'aucune nécessité ne pourrait être tirée de l'expérience.

L'évidence immédiate des concepts et démonstrations géométriques est fondée dans une intuition à priori de l'espace. Cette donation à priori des objets de la géométrie, se distinguant précisément, par son mode de donation, des objets de l'intuition empiriques, explique l'immédiate évidence en question.

La différence entre les concepts de la géométrie et les catégories est que les premiers sont des objets purs et purement spatiaux, et donc la simple forme de la sensibilité - l'espace - suffit à les fonder. Les catégories sont quant à elles des concepts totalement indépendants de la sensibilité, quant à leur possibilité et leur nécessité en tout cas. Les catégories se rapportent aux objets indépendamment de la sensibilité. La déduction transcendantale de l'espace était simple dans la mesure où l'espace a été mis-à-jour comme forme de la sensibilité, c'est-à-dire comme étant la façon dont des objets peuvent être données dans l'intuition empirique.

Concernant les catégories la tâche est plus ardue car on peut imaginer que des objets donnés dans une intuition empirique, ne s'accordent pas du tout avec les catégories. On ne voit pas si aisément le lien de nécessité.

La question est donc de comprendre "[...] comment des conditions subjectives de la pensée pourraient avoir une valeur objective, c'est-à-dire fournir les conditions de possibilités de toute connaissance des objets: car des phénomènes peuvent assurément être donnés dans l'intuition sans les fonctions de l'entendement."

Rappel: la déduction transcendantale de l'espace et du temps se fait en les mettant à jour en tant que conditions formelles de la sensibilité. Ils deviennent par là nécessaires et universels à priori pour tout objet d'une expérience empirique possible.

La question est donc, dans la déduction transcendantale des catégories, de comprendre pourquoi les phénomènes devraient être conformes aux conditions de la pensée.

Par exemple: les phénomènes pourraient très bien ne pas être soumis à la relation de causalité, et nous ne pouvons pas déduire la nécessité de la causalité de l'expérience, toujours accidentelle de ce point de vue.

On voit bien ici que Kant postule la nécessité de la causalité, ainsi que des autres catégories. Il me semble en réalité que la causalité est une habitude, et le fait que l'on ne puisse rien imaginer d'autre ne devrait pas impliquer la croyance en sa nécessité...

CRP, LT, AT, AC, Ch1, S3, §11: Remarques

1. La table se divise en deux: catégories concernant les objets eux-mêmes (qualité et quantité) et catégories relationnelles: relation entre les objets (relation) et relation entre les objets et l'entendement (modalité).

2. Chaque classe contient trois éléments, le troisième étant la composition des deux premiers, qui sont entre eux dichotomiques. Ainsi la totalité est l'unité d'une pluralité. Tous les objets se trouvant sur a table sont bien plusieurs objets considérés comme un tout.

"Ainsi la totalité n'est pas autre chose que la pluralité considérée comme unité, la limitation rien d'autre que la réalité liée à la négation, la communauté est la causalité d'une substance dans la détermination des autres, de façon réciproque, enfin la nécessité n'est rien d'autre que l'existence qui est donnée par la possibilité elle-même."

Mais comme la composition n'est pas un acte analytique, les catégories issues de la composition sont autant des concepts-souche que les autres.

dimanche 22 novembre 2009

CRP, LT, AT, AC, Ch1, S3: Des concepts purs de l'entendement ou des catégories

L'esthétique transcendantale nous présente un divers pur de l'intuition à priori: l'espace et le temps, en tant qu'ils sont forme à priori de notre intuition, nous sont donnés de façon pure, donc en dehors de toute expérience empirique effective.

Donc tout commence par cette donation pure et spontanée: il y a de l'espace et du temps et aucune expérience empirique ne sera jamais possible en dehors d'eux comme forme à priori. Mais à ce stade nous n'avons pas encore de connaissance ni de concept: juste un divers sensible pur, c'est le stade de l'appréhension. Au stade suivant le divers pur fera l'objet d'une synthèse, qui est la première origine de notre connaissance.

La synthèse est l'acte de rassembler des représentations selon un principe unificateur. L'acte de rassembler est le fait de l'imagination, une "fonction de l'âme, aveugle mais indispensable [...]". L'imagination rassemble les "éléments" en un certain "contenu", nous dit Kant. A ce stade, ce qui est rassemblé/synthétisé est le divers pur. Mais il est difficile de concevoir que l'imagination ne soit pas guidée par l'entendement à ce stade.

Ensuite, au dernier stade, les différents actes de synthèse pure sont représentés de façon générale et donnent les concepts purs de l'entendement, ou catégories.

Appréhension, reproduction, recognition:

"La première chose qui doive nous être donnée en vue de la connaissance de tous les objets à priori est le divers de l'intuition pure; la synthèse de ce divers par l'imagination est la deuxième chose, mais elle ne donne encore aucune connaissance. Les concepts, qui donnent l'unité à cette synthèse pure, et consistent uniquement dans la représentations de cette unité nécessaire, forment la troisième chose pour la connaissance d'un objet qui se présente, et reposent sur l'entendement. La même fonction qui donne l'unité aux représentations diverses dans un jugement, donne aussi à la simple synthèse de représentations diverses dans une intuition l'unité, qui exprimée généralement, s'appelle le concept pur de l'entendement."

Ainsi la table des catégories reprend les fonctions de la précédente table des formes à priori des jugements de la logique générale.

Table des catégories

De la quantité:
Unité
Pluralité
Totalité

De la qualité:
Réalité
Négation
Limitation

De la relation:
Inhérence et subsistance
Causalité et dépendance
Communauté

De la modalité:
Possibilité - Impossibilité
Existence - Non-existence
Nécessité - Contingence

Cette table rassemble donc les concepts des actes synthétiques élémentaires de notre esprit (imagination), quand il s'applique au divers pur sensible: "[...] par leur moyen seulement en effet, il peut comprendre quelque chose dans le divers de l'intuition, c'est à dire penser un objet de cette intuition."

Les trois moments disjoints qui viennent d'êtres évoqués forment ensemble l'unité d'une pensée constitutive des objets eux-mêmes, tels qu'il puissent être donnés dans une intuition empirique effective.

mardi 17 novembre 2009

CRP, LT, AT, AC, Ch1, S2: De la fonction logique de l'entendement dans les jugements

Il s'agit ici d'analyser la forme des jugements eux-mêmes, indépendamment de leur contenu.

Kant énumère 4 fois 3 caractéristique des jugements quant à leur forme:

Quantité des jugements:
- Universels (Tous les S sont P)
- Particuliers (Ce S est P)
- Singuliers (Un S est P)

Qualité des jugements:
- Affirmatifs (S est P)
- Négatifs (S n'est pas P)
- Infinis (S est non-P, la sphère de non-P est infinie)

Relation des jugements:
- Catégoriques (S est P, sans condition ni alternative, on lie le prédicat au sujet, deux concepts entre eux)
- Hypothétiques (Si J (S est P), alors J' (S' est P'), lien de fondement à conséquence, on lie deux jugements) S'il y a une justice parfaite, le méchant est puni. On ne dit rien sur l'un ou l'autre de ces jugements en eux-même, mais si l'un est vrai, alors l'autre est vrai par conséquence.
- Disjonctifs (S est P1, ou P2, ou P3) On analyse toutes les possibilités, P1, P2 et P3 sont mutuellement exclusifs, ou en opposition, et forment une totalité complète.

Modalité dans les jugements:
- Problématiques: le jugement est possible, comme dans les jugements hypothétiques et disjonctifs
- Assertoriques: je jugement est vrai
- Apodictiques: le jugement est logiquement nécessaire, à priori.

CRP, LT, AT, AC, Ch1, S1: De l'usage logique de l'entendement en général

Remarque du lecteur sur le concept de connaissance:

Kant nous dit qu'une connaissance sans donation d'un objet concret, donc via la sensibilité, est une connaissance "vide". Il nous dit aussi que nous ne pouvons rien connaître en dehors de l'expérience. Il faut faire attention et bien clarifier cette notion, car il nous dit aussi que "[...] en dehors de l'intuition, il n'y a pas d'autre façon de connaître que par concepts [...]". Ce que Kant veut dire est que nous ne tirons pas nos concepts de l'expérience, car ils sont en nous à priori, et bien sûr nous "connaissons" nos concepts sans avoir besoin d'une expérience effective, mais il serait plus juste de dire que nous "avons" des concepts, et que nous pouvons y penser de façon pure, les considérer et en parler. Mais la connaissance proprement dite devient effective dans le jugement, qui est l'application de nos concepts à la matière donnée par notre sensibilité, dans l'expérience. L'entendement connaît donc par ses concepts, mais pour connaître effectivement il faut l'apport de la sensibilité. Il est en lui-même un pouvoir de connaître ou une connaissance en puissance.

"[...] toutes les intuitions, comme sensibles, reposent sur des affections, les concepts donc sur des fonctions. Or j'entend par fonction l'unité de l'action qui ordonne des représentations diverses sous une représentation commune. les concepts se fondent donc sur la spontanéité de la pensée, comme les intuitions sensibles sur la réceptivité des impressions. Or l'entendement ne peut faire aucun autre usage de ses concepts que de juger par leur moyen."

L'intuition se rapporte immédiatement à l'objet, il est rouge, chaud, etc. Le concept se rapporte aux représentations de l'intuition ou à d'autres concepts, mais jamais directement à l'objet. L'entendement n'a pas d'intuitions. "Le jugement est donc la connaissance médiate d'un objet, par suite la représentation d'une représentation de celui-ci."

Intuition immédiate vs entendement médiateur: le concept est une médiation finie produisant une unité. Intuition passive réceptive vs entendement spontané actif. Le jugement applique un concept à la représentation donnée dans l'intuition, ou à une précédente représentation conceptuelle.

Quand on dit que "les corps sont divisibles" on se représente les corps - une représentation conceptuelle -  comme divisibles. Ainsi tous les corps sont unifiés ou rassemblés en tant que tous uniformément divisibles. De ce point de vue ils sont les mêmes.

"[...] L'entendement en général peut être représenté comme un pouvoir de juger."

Donc: un concept est le prédicat d'un jugement, le sujet de ce jugement peut-être une représentation conceptuelle ou une intuition. Tous les corps sont divisibles, tous les métaux sont des corps, tous les métaux sont divisibles, le fer est un métal, le fer est divisible, etc. Au bout de la chaîne il y a nécessairement des intuitions.

On qu'à chaque niveau le jugement à unifié des représentations diverses grâce à l'action du concept. le concept est une fonction d'unification.

CRP, LT, AT, AC, Chapitre 1: Du fil conducteur

Ch1. Du fil conducteur servant à découvrir tous les concepts purs de l'entendement

Il ne s'agit pas de dresser une liste de concepts, mais de découvrir le principe d'après lequel les concepts purs et élémentaires de l'entendement sont produit comme à leur source.

CRP, LT, AT, Analytique des concepts

L'AC consiste en la décomposition en concepts élémentaires du pouvoir même de l'entendement.

Logique Transcendantale, Analytique Transcendantale

Kant va analyser le système de l'entendement pur, et pour cela il à besoin d'une idée du tout. Il analysera ensuite ce tout en un système complet et cohérent de concepts élémentaires, non décomposables et non-empiriques.

Non-empirique veut dire: ne tirant rien d'eux-mêmes d'une expérience empirique.

L'analytique transcendantale (AT) se divise en analytique des concepts et analytique des principes.

TTE, AT, Introduction, 4

4. De la division de la logique transcendantale en analytique transcendantale et dialectique transcendantale

Dans a logique transcendantale on isole l'entendement comme la sensibilité l'a été dans l'esthétique transcendantale, afin d'en dégager l'activité spontanée. Mais la pensée pure ainsi dégagée ne peut devenir connaissance effective qu'à condition que des objets soient donnés, donc associée avec la sensibilité.

L'analytique transcendantale analyse les éléments et principes de la connaissance pure à priori, sans lesquels aucun objet ne peut être pensé, et à fortiori donné. Elle est de ce fait une logique de la vérité, puisqu'elle explicite et fonde la relation de la connaissance à son objet.

Autrement dit, l'analytique transcendantale est une logique de l'objectivité à priori, objectivité pure sans laquelle aucun objet ne peut être pensé ni donné, car cette objectivité pure à priori est fondatrice de la pensée de l'objet, donc de la relation à l'objet, donc de sa donation dans l'expérience.

La limite et la condition de validité de l'analytique transcendantale est la possibilité de l'expérience concrète des objets, de leur donation via la sensibilité, donc in fine de la condition spatio-temporelle.

Je suppose donc que la LT ne verra aucun inconvénient à ce que je formule le concept d'une licorne, car c'est un objet d'une expérience possible, par contre elle refusera le concept d'un dieu, car il est sans espace, de même que celui d'un rond carré, car il n'est pas possible dans l'espace.

La dialectique transcendantale s'occupe d'objets qui ne peuvent nous êtres donnés, bien qu'ils existent peut-être. Comme le concept de Dieu. Ils sont du domaine de la foi ou de la ratiocination.

L'analytique est le canon de l'entendement dans son usage empirique, la dialectique transcendantale se prétend organon en elle-même. La dialectique transcendantale sera donc une critique de l'usage de l'entendement dans ses prétentions à connaître des objets supra-physiques.

dimanche 15 novembre 2009

TTE, AT, Introduction, 3

3. De la division de la logique générale en analytique et dialectique

Sur la vérité: "[...] la vérité consiste dans l'accord d'une connaissance avec son objet [...]". Quel serait un critère universel de la vérité, donc un critère qui vaudrait pour toute connaissance, indépendamment de l'objet auquel elle se rapporte, donc indépendamment du rapport à l'objet de la connaissance? C'est en soi contradictoire, car précisément la vérité réside dans l'adéquation de ce rapport.

Quant à la forme de la pensée, la logique peut nous dire si une pensée est conforme à la forme logique de la pensée en général, mais cela ne nous dit rien quant à l'adéquation de la pensée à son objet. Autrement dit on peut très bien construire une pseudo-connaissance logique, non-contradictoire, mais fausse dans son rapport au monde réel.

Donc la logique peut garantir la vérité d'une connaissance quant à son rapport aux règles de la pensée elle-même (non-contradiction...), sa forme, mais rien quant au contenu de la connaissance.

En bref: une pensée logique n'est pas pour autant vraie quant à son contenu.

La logique générale pure, en tant qu'elle analyse la pensée et en dégage les éléments et leurs relations, doit être appelée analytique. En ce sens elle n'est qu'un canon pour l'entendement.

Mais si l'on utilise la logique générale pure pour produire des connaissances (prétendues), sans rapport à la sensibilité qui seule nous donne des objets, donc dans sa prétention à être un organon (instrument) pour la connaissance du monde, elle doit être appelée dialectique, logique de l'apparence, de l'illusion, du bavardage.

La logique doit donc plutôt se faire, quant à la tendance dialectique, critique de l'apparence dialectique.

TTE, AT, Introduction, 2

2. De la logique transcendantale

La logique générale s'occupe de la forme de la pensée en général. Mais de même qu'il y a une intuition empirique et une intuition pure, il y a une pensée empirique des objets et une pensée pure des objets.

S'il y a une pensée pure des objets, il y a une connaissance des objets dont l'origine n'est pas à chercher dans les objets mais dans la pensée elle-même à priori.

Remarque:
Une connaissance est dite "transcendantale" quand elle nous fait connaître que et comment des représentations (intuitions et concepts sont tous deux des "représentations", dans l'usage Kantien) à priori sont appliquées ou sont possibles uniquement à priori. Autrement dit, une connaissance simplement à priori, comme "la ligne droite est le plus court chemin..." n'est pas transcendantale, mais elle le deviennent quand nous comprenons que ces connaissances ne sont pas empiriques et qu'elles peuvent néanmoins se rapporter à priori aux objets de l'expérience.

Le projet de Kant est clair: réaliser la fermeture "apriorique" de la raison.

"[...] présumant qu'il peut bien y avoir des concepts capables de se rapporter à priori à des objets, non comme intuitions pures ou sensibles, mais comme actes de la pensée pure, et qui par conséquent sont bien des concepts, mais dont l'origine n'est ni empirique, ni esthétique, nous nous faisons d'avance l'idée d'une science de l'entendement pur et de la connaissance rationnelle par laquelle nous pensons des objets tout à fait à priori."

Nous pouvons penser des objets tout à fait à priori, et la science de cette pensée pure à priori des objets est la logique transcendantale. La logique transcendantale doit donc délimiter et fonder la possibilité de la pensée pure à priori des objets d'une expérience possible.

vendredi 13 novembre 2009

TTE, AT, Introduction, 1

1. De la logique en général

"[...] ni des concepts sans intuition qui leur corresponde de quelque manière, ni une intuition sans concepts ne peuvent donner une connaissance."

"[...] l'intuition pure contient uniquement la forme sous laquelle quelque chose est intuitionné, et le concept pur uniquement la forme de la pensée d'un objet en général. Seules les intuitions ou les concepts purs sont possibles à priori; les empiriques ne le sont qu'à posteriori."

Division de la logique:

Logique générale pure: principes à priori de la raison et de l'entendement en général, sans aucune considération pour les concepts d'objets possibles. Elle est un canon de l'entendement et ne s'occupe que de la forme de la pensée et est une science pure à priori de la pensée.

Logique générale appliquée: "[...] règles de l'usage de l'entendement sous les conditions subjectives et empiriques que nous enseigne la psychologie." Elle est un catharticon de l'entendement. Elle reste générale en tant qu'elle ne s'applique à aucun objet possible de l'expérience. Elle s'occupe des conditions empiriques psychologiques dans lesquelles l'usage général pur devra s'exercer, et des fautes à ne pas commettre dans ces conditions: doute, conviction, attention...

Circularité de l'argumentation dans l'esthétique transcendantale

Je reprend l'argumentation de Kant, deux principes:

1) Kant affirme l'évidence immédiate de l'existence de jugements synthétiques à priori en mathématique et en physique, et que ces jugements contiennent la nécessité à priori de leur validité universelle pour tous les objets d'une intuition possible. A partir de cette base, il se demande a) comment de tels jugements sont possibles d'une part, et b) comment ils peuvent être considérés à priori comme valables pour tout objet d'une expérience quelconque. La réponse à a) est "facile" et ne pose pas de problème: une fois donnés une conception à priori de l'espace (euclidien, isotrope et isomorphe...), il est possible d'y fonder des jugements synthétiques à priori nécessaires dans le cadre de ce qui a été posé (espace euclidien...) Par contre la réponse à b) nécessite d'introduire la notion de forme de l'intuition: ces jugements sont valables pour toute expérience possible parce que l'espace posé à priori, est en fait la forme de notre sensibilité, et ceci est démontré parce que - et nous revenons au postulat de départ - sinon nous ne pourrions pas comprendre comment les jugements synthétiques à priori dont il est question pourraient être valables universellement, ce qui, selon Kant, est un fait établi de toute évidence.

Conclusion: la démonstration est circulaire et se fonde toute entière sur un postulat de départ non démontré lui-même: que ces jugements existent et sont nécessaire et valables pour tout objet d'une expérience possible.

2) Kant développe une argumentation plus phénoménologique: comment pourrions-nous déterminer la matière de nos sensations selon des rapports spatiaux, si nous ne disposions pas déjà de l'espace qui, en tant qu'il permet d'ajouter des déterminations spatiales non contenues dans la matière de notre sensibilité elle-même, ne pourrait en aucun cas être donné avec ou dans la matière de nos sensations. Kant part ici d'une autre évidence, selon lui également immédiatement nécessaire: la matière de nos sensations ne contient rien de spatial. Ici encore la démonstration est circulaire: on commence par enlever l'espace de la matière et ensuite on en déduit logiquement qu'il ne peut être donné en lui, donc qu'il n'est pas "senti", et donc qu'il est en nous en tant que forme de notre intuition sensible.

Mais même si la démonstration est poussiéreuse, le mystère du "sens externe" reste entier et je suis convaincu pour d'autres raisons, que Kant est sur la bonne voie... à suivre

lundi 9 novembre 2009

TTE, ET, Première et deuxième section: argumentation

La critique semble un exposé relativement dogmatique, l'argumentation se fondant moins dans une analyse phénoménologique que dans le système lui-même.

Argument systématique: la seule façon de comprendre la possibilité du reste du système XY est d'intégrer Z, ainsi nous avons XYZ, le système est complet et tout s'éclaire. Mais cela reste absolument sans fondement en dehors de la jubilation de l'esprit de système...

Un principe général de l'argumentation de Kant est que si nous ne pensons pas que l'espace et le temps sont les formes à priori de notre intuition sensible, nous ne comprenons pas non plus comment nous pourrions atteindre une connaissance apodictique dans les science, ce qui, selon Kant, est un fait établi. En réalité, ce fait n'a rien d'établi... Et il se peut bien que Hume ait raison sur ce point, l'histoire de la physique et de ses changements de paradigmes majeurs semble aller dans ce sens par ailleurs.

Un exemple: selon notre conception de l'espace tel qu'il se manifeste dans nos intuitions - un espace euclidien à trois dimensions, homogènes et isotrope - "la ligne droite est le plus court chemin entre deux points quelconques". La physique moderne remet en cause l'universalité de cette conception, celle-ci reste néanmoins valable en elle-même et du point de vue de notre intuition empirique (qui perçoit "euclidiennement"), mais plus d'un point de vue scientifique pour la nature en général. Alors, ou bien la science s'égare, ou bien Kant ne parlait que de notre intuition et celle-ci ne vaut plus comme base pour des jugements synthétiques à priori, ayant valeur de nécessité universelle et constituant des jugements scientifiques. La nature nous a, semble-t-il, forcé à renoncer à nos concepts intuitifs pour d'autres rendant mieux compte de la nature...

Un autre principe de l'argumentation de Kant - plus plausible celui-ci -, est que nous ne pourrions repérer les déterminations spatiales et temporelles des objets de notre expérience, si l'espace et le temps n'étaient pas déjà donnés comme "cadres". "Comme ce en quoi seulement les sensations peuvent s'ordonner et être mises en une certaine forme ne peut pas être lui-même encore sensation, il suit que, si la matière de tout phénomène nous est donnée seulement à posteriori, sa forme doit se trouver prête à priori dans l'esprit [...]" Ici il s'agit plus d'une phénoménologie de l'intuition humaine et des actes de connaissance. Mais comment fonctionne l'argument? C'est un peu comme avec la circularité, par exemple: on ne peut éprouver expérimentalement la circularité de tel objet donné dans une intuition, que si nous avons déjà le concept de la circularité, sinon que regarderions-nous... Nous devons "viser" la circularité pour ensuite la voir, la constater, et ceci à partir de notre concept, donc à priori. Si nous n'avions aucune pré-conception de la circularité nous ne pourrions même pas nous poser de question à son sujet, et encore moins la constater comme détermination d'un objet donné dans l'intuition. En est-il de même pour le temps? La succession des intuitions ne peut-elle s'attester d'elle-même du fait que l'intuition nous donne une multitude de "clichés" disjoints mais néanmoins liés par une proximité et une ressemblance dans le changement d'état, qui donne d'elle-même une notion de "continuité du changement" d'où nous tirons notre intuition du temps? Le "maintenant" n'est-il pas donné comme simple effectivité de mon intuition: évidence immédiate du "il y a" d'une intuition qui a lieu? L'aperception du "maintenant" de l'intuition sensible présuppose-t-elle nécessairement la pré-compréhension du temps comme forme de notre sensibilité? En d'autres termes: le temps ne peut-il être déduit de notre intuition et de ce qui s'y atteste immédiatement comme "maintenant" et "continuité changeante" des représentations? L'argument de Kant me semble vide ou tautologique, en ce sens que Kant décide d'isoler la matérialité de la sensation et de lui retirer toute possibilité de détermination spatiale intrinsèque, dès lors l'espace ne peut plus être un donné et doit forcément être un à priori.

Un autre: nous ne pouvons rien imaginer qui ne soit dans l'espace et dans le temps, qui de ce fait, semblent nécessaires à priori pour toute intuition...

Le postulat de Kant: des énoncés scientifiques à priori nécessaires et universels existent, c'est un fait établi.

Ce n'est pas tant une critique des conceptions philosophiques de Kant que je fais ici, mais plutôt une critique de sa méthodologie et du fondement de sa démarche de pensée. Par exemple, concernant l'espace, il est clair pour moi que c'est une notion problématique. Si l'on prend le point de vue médical ou physique, comment passer de "l'état du cerveau" à "la représentation de l'espace pour un sujet"? Comment passer de la réalité physique au vécu intérieur, subjectif, d'une intuition spatiale? Posée comme ça la solution tiendra du miracle sans aucun doute, quelque chose doit être changé dans la position du problème.

TTE, ET, Deuxième section: du temps, §4, §5, §6

§4 Exposition métaphysique du concept de temps

"[...] la simultanéité ou la succession ne tomberaient pas elles-mêmes sous la perception, si la représentation du temps ne servait à priori de fondement."

On ne peut supprimer le temps ni rien imaginer hors de lui, il est une représentation nécessaire, à priori.

Comme pour l'espace, la nécessité du temps et son intuition pure à priori, fondent la possibilité de jugements synthétiques à priori, valant nécessairement et universellement et permettant l'extension de nos connaissances. Ces connaissances sont nécessairement et universellement valables pour tous les objets de notre intuition, car le temps est une forme à priori de notre intuition elle-même.

Le temps n'est donc réel que pour les objets de notre intuition, et pas pour les choses en soi. De même il n'est qu'une forme de notre intuition et n'existe pas en dehors d'elle.

Le temps n'est autre chose que la forme de notre sens interne: il détermine le rapport des représentations dans notre état intérieur. Il est la forme de l'intuition de nous-même - comme sujet connaissant - et de notre état intérieur. C'est "dans" le temps que nous "percevons" notre identité, notre persistance.

L'espace est la forme pure de l'intuition externe, le temps de l'intuition interne.

Le temps à une prééminence sur l'espace en ce qu'il est forme du sens interne, donc condition de l'état interne et, en tant que toute intuition externe est un état de notre subjectivité, elle en dérive sa possibilité même. L'espace ne concerne que les objets du sens externes, le temps conditionne le tout.

Le temps n'est autre chose que la condition subjective de notre intuition, mais rien en soi et en dehors d'elle. Mais il reste, par rapport à l'expérience, objectif et "réel". Toutes les choses, en tant que manifestations (phénomènes), sont dans le temps et dans des rapports de temps. C'est la réalité empirique du temps.

TTE, ET, Première section: de l'espace, §3

§3 Exposition transcendantale du concept d'espace

"J'entend par exposition transcendantale l'explication d'un concept comme d'un principe, à partir duquel peut être saisie la possibilité d'autres connaissances synthétiques à priori." Autrement dit, il s'agit d'exposer la "transcendantalité" du concept d'espace.

"La géométrie est une science qui détermine synthétiquement, et pourtant à priori, les propriétés de l'espace."

Comme d'un concept, à priori on ne peut faire que l'analyse, il faut que l'espace soit une intuition, pure puisque l'espace - et la géométrie - est donné hors de toute intuition sensible.

Donc...

L'espace n'est pas une chose en soi ni une propriété des choses en soi, qui existerait en dehors de notre intuition. L'espace est la condition subjective de la sensibilité, sous laquelle seulement est possible pour nous une intuition externe. L'étendue n'appartient aux choses qu'en tant qu'elles nous apparaissent. L'espace est réel empiriquement, donc dans le cadre de notre intuition empirique, mais idéal du point de vue transcendantal. Ce que nous nommons "objets extérieurs" ne sont que de simples représentations de notre sensibilité, qui sont bien réelles du point de vue de notre expérience.

TTE, ET, Première section: de l'espace, §2

§2 Exposition métaphysique de ce concept

"Exposition métaphysique" signifie exposition de ce qui est donné à priori.

"Par le moyen du sens externe (une propriété de notre esprit) nous nous représentons certains objets comme étant hors de nous [...]"

1. "L'espace n'est pas un concept empirique, qui ait été tiré d'expériences externes [...]", suit une argumentation disant en bref, que je ne pourrais placer des objets dans l'espace s'il n'y avait pas "déjà" l'espace (la "représentation de l'espace"), à priori l'espace, et que donc, l'espace ne peux pas être déduit par expérience, au contraire, il rend l'expérience spatiale possible.

2. "L'espace est une représentation nécessaire, à priori [...]. On ne peut jamais se représenter qu'il n'y ai point d'espace [...]"

3. L'espace est une intuition pure (nécessaire, à priori et non empirique), et non pas un concept ou une détermination universelle, tiré de l'expérience des choses, à posteriori. Tous les concepts d'espaces ou de déterminations spatiales sont des limitations et des déterminations du concept d'espace en général, donné dans une pure intuition.

dimanche 8 novembre 2009

TTE, ET, §1

"La capacité de recevoir (la réceptivité) des représentations grâce à la manière dont nous sommes affectés par des objets s'appelle la sensibilité. C'est donc au moyen de la sensibilité que des objets nous sont donnés [immédiatement], et elle seule nous fournit des intuitions; mais c'est par l'entendement qu'ils sont pensés, et c'est de lui que proviennent les concepts."

"On nomme empirique cette intuition qui se rapporte à l'objet par le moyen de la sensation. L'objet indéterminé d'une intuition empirique s'appelle phénomène."

Note: "Le phénomène est le réel qui m'apparaît, par le moyen de la sensation."

"Phénomène" est le mot choisit pour traduire "erscheinung", qui devrait plus proprement se traduire par "manifestation". Un phénomène est donc la manifestation du "réel".

Kant analyse le phénomène en matière et forme, la matière correspondant à la partie sensible du phénomène: la sensation. La forme du phénomène est ce qui fait qu'il peut être "ordonné suivant certains rapports [...]": rapports spatio-temporels.

La forme du phénomène doit être prête à priori pour que la sensation puisse s'y "ordonner". Nous sommes capables d'avoir une représentation pure ou une intuition pure - sans sensation - de la forme pure de nos intuitions sensibles. cette forme pure de la sensibilité, qui se donne dans une intuition pure, se trouve à priori dans l'esprit, indépendamment de toute intuition effective.

L'esthétique transcendantale est la science de tous les principes de la sensibilité à priori. La logique transcendantale étant la science de tous les principes de la pensée pure à priori. La sensibilité, comme faculté des intuitions empiriques, fourni à priori ces formes pures que sont l'espace et le temps.

samedi 7 novembre 2009

CRP, Introduction, 7

7. Idée et division d'une science particulière sous le nom de critique de la raison pure

"La raison est en effet le pouvoir qui fourni les principes de la connaissance à priori."

"J'appelle transcendantale toute connaissance qui s'occupe en général non pas tant d'objets que de notre mode de connaissance des objets en tant qu'il est possible en général. Un système de tels concepts s'appellerait philosophie transcendantale."

La philosophie transcendantale serait donc une science de tous les concepts et jugements synthétiques à priori, qui sont au fondement de notre pouvoir de connaître des objets en tant que donnés dans une expérience effective. La Critique de la raison pure doit établir les fondements de la philosophie transcendantale dans une exploration de la raison elle-même en tant que principe ou "organe", qui est la source unique de la philosophie transcendantale. La critique doit donc "seulement" fonder la philosophie transcendantale, et par la même en déterminer les limites de validité. C'est donc notre entendement - ou le pouvoir rationnel pur - lui-même qui est l'objet questionné par la CRP. La CRP est le "système de tous les principes de la raison pure". La philosophie transcendantale quant à elle sera l'ensemble de toute la connaissance humaine à priori.

Fin de l'introduction. Reste certaines notions qui ne sont pas claires, Kant semble vouloir être très précis dans ses concepts mais reste néanmoins relativement confus et compliqué dans son exposition. Par exemple, la notion de métaphysique reste confuse, est-ce le système de tous nos concepts à priori et de tous nos jugements synthétiques, ou bien celui-ci est-il la philosophie transcendantale? La métaphysique spéculative est-elle rejetée comme non valide par la critique, ou y-à-t-il une métaphysique spéculative "simple" qui soit fondée? En quoi les concepts "à priori", comme le concept de corps, diffèrent-ils des jugements synthétiques à priori? L'étendue d'un corps est-elle déduite analytiquement ou synthétiquement de notre concept d'espace?

vendredi 6 novembre 2009

CRP, Introduction, 6

6. Problème général de la raison pure

"Le problème propre de la raison pure est donc contenu dans la question: Comment des jugements synthétiques à priori sont-ils possible?"

Selon Hume les jugements synthétiques à priori sont impossibles, ne sont que pure illusion d'une saisie rationnelle de ce qui est seulement tiré de l'expérience et à acquis un statut apodictique illégitimement, de l'habitude.

[Bon, ça décape... Mon point de vue personnel à ce stade de développement de la pensée de Kant est que Hume doit avoir raison: Copernic n'avait que des hypothèses, aucune certitude apodictique. Mais Hume n'explique pas ce que sont ces connaissances se prétendant apodictiques et qui seraient "simplement" tirées de l'expérience. Je pense avec Kant que nous sommes incapable de tirer de l'expérience certaines de nos connaissances et qu'il faut bien qu'elles soient déjà là "avant" pour qu'une expérience en soit possible. Je ne voit la circularité de mon verre que parce que j'ai déjà le concept du cercle en mon esprit, en quelque sorte: grâce à mon concept de cercle, je "vise" la circularité des objets qui me sont donnés dans l'expérience. Je pense que Kant est dans le bon quant à la fonction que jouent nos concepts dans le procès d'acquisition de la connaissance, et que Hume est dans le bon sur le statut simplement hypothétique de ces connaissances.]

"[...] possibilité du pur usage de la raison pour fonder et développer toutes les sciences [physique et mathématique pures] qui contiennent une connaissance théorique à priori des objets [...]"

Pour Kant, donc, le principe d'action et réaction est un principe à priori, nous le connaissons sans faire la moindre expérience physique réelle - c'est donc bien un principe métaphysique -, juste par l'action de notre entendement. Ensuite, pour expliquer pourquoi ces principes de notre raison sont aussi les principes de la nature, Kant élabore l'idée de facultés proprement constituantes des phénomènes et de notre expérience, et le système est clôt.

Il faut bien dire que la physique moderne n'est plus kantienne, je ne vois pas comment nous aurions pu produire la mécanique quantique, la discontinuité de l'espace ou sa courbure, la nature probabiliste de l'état des particules à l'échelle quantique ou la relativité de l'espace-temps, à priori? Non, il semble que l'homme ait du imaginer et construire une physique - en quelque sorte ad-hoc - pour se doter d'un appareil mathématique capable de prédictions vérifiables.

Mais... l'essentiel n'est peut-être pas à chercher - aujourd'hui - dans la tentative de Kant de fonder la métaphysique souveraine, et ainsi la raison humaine souveraine, et ainsi l'homme souverain, tout ça est historique et un peu "daté", mais plutôt dans le questionnement sur l'essence de nos expérience, sur l'"objectivation" et la "subjectivation" qui ont lieu dans notre conscience et sur les pistes majeurs que Kant, par sa pensé, a tracé dans ce domaine de la recherche philosophique.

mercredi 4 novembre 2009

CRP, Introduction, 5

5. Dans toutes les sciences théoriques de la raison sont contenus à titre de principes de jugements synthétiques à priori

1) Les jugements mathématiques sont tous synthétiques

Kant prend l'exemple de 7 + 5 = 12, applique la logique des prédicats à l'arithmétique et nous obtenons ainsi: le sujet "7 + 5" est "= 12". Kant explique alors que dans le sujet "7 + 5" le nombre "12" n'est pas inclus et ne peut être déduit par analyse du concept de la somme de deux chiffres; il faut avoir recours à l'intuition pour déduire que 12 est bien le légitime prédicat en question.

Ici il faut remarquer que "avoir recours à l'intuition" ne signifie pas "avoir recours à l'expérience", c'est pour ça que le jugement synthétique peut être ici à priori. Mais cette intuition n'intuitionne que les formes de notre sensibilité, et n'implique pas la sensibilité elle-même comme capacité d'être affecté.

Ce que Kant introduit ici, est la possibilité de jugements synthétiques à priori, donc apodictiques, fondés non pas sur une expérience toujours contingente, mais sur une intuition des formes nécessaires et universelles de toute expérience possible, savoir l'espace et le temps. Autrement dit, les jugements synthétiques basés sur l'intuition de l'espace et du temps, la géométrie par exemple, sont apodictiques, donc possibles à priori, et sont valables pour toute expérience possible, universels.

Exemples en physique: "Dans tous les changements du monde corporel, la quantité de matière reste inchangée [...]" Le jugement est synthétique car la conservation de la quantité de matière n'est pas contenue dans le concept d'un corps. Ici encore, Kant prétend pouvoir tirer la nécessité du jugement synthétique de l'intuition pure.

CRP, Introduction, 4

4. De la différence des jugements analytiques et des jugements synthétiques

Un jugement analytique affirme quelque chose - le prédicat - qui est contenu dans le sujet, ce sont des jugements explicatifs. Un jugement synthétique affirme quelque chose qui est hors du sujet, ce sont des jugements extensifs.

"Tous les corps sont étendus" est un jugement analytique, car un corps ne peut pas ne pas être étendu.

"Tous les corps sont pesants" est un jugement synthétique, car "être pesant" ne fait pas partie du concept de "corps".

Les jugements analytiques sont par là nécessaires et possibles à priori, mais il ne servent qu'à rendre nos connaissances plus claires. Les jugements synthétiques peuvent être fondés sur l'expérience et être contingents, mais ils peuvent aussi être fondés sur l'intuition pure (espace et temps) et être possibles à priori. De tels jugements - synthétiques à priori - permettent d'étendre nos connaissances à priori.

"Tout ce qui arrive à sa cause" "Comment en venir à dire alors, de ce qui arrive en général,quelque chose de tout à fait différent, et reconnaître le concept de la cause, quoique non contenu dans le précédant, comme cependant lui appartenant, et même nécessairement?"

Il s'agit donc bien ici d'un jugement synthétique, comme mon interrogation dans mon précédant message le laissait entrevoir. Le jugement synthétique a ici valeur de nécessité et est donc possible à priori.

CRP, Introduction, 2

"[...] l'universalité rigoureuse appartient essentiellement à un jugement, elle renvoie à une source particulière de connaissance pour ce jugement, savoir un pouvoir de connaissance à priori"

Les connaissances à priori sont nécessaires et universelles, ce qui n'est jamais le cas d'une connaissance empirique, l'expérience ne nous apporte jamais la nécessité, elle est toujours contingente. Nécessité et universalité sont les caractéristiques nécessaires et suffisantes d'une connaissance à priori.

Nécessité implique universalité et réciproquement.

Exemple: "tout effet à une cause" est nécessaire à priori parce que la définition d'un effet est précisément d'avoir une cause. Cela résulte simplement de notre concept de causalité.

Je trouve plus problématique de penser l'universalité de cette proposition car l'universalité suppose une extension infinie à priori, donc une application vraie de cette proposition à tous les changement de la nature, ce qui est une toute autre affaire, mais je me trompe peut-être dans mon interprétation du terme "universalité"...

Et c'est bien ce que Kant écrit plus loin: "On pourrait aussi, sans avoir besoin de tels exemples pour preuve de la réalité de purs principes à priori de notre connaissance, présenter le caractère indispensable qui est le leur pour la possibilité de l'expérience elle-même, par suite leur caractère à priori. Car d'où l'expérience elle-même pourrait-elle prendre sa certitude [...]"

Kant nous dit que l'expérience elle-même n'apporte de certitude à notre connaissance empirique que parce ce que cette certitude la précède et la conditionne, à priori.

C'est à travers l'idée du conditionnement de l'expérience que Kant va tenter d'achever son système de la connaissance. Car il est évident que si nos concepts et jugements à priori ne conditionnent pas l'expérience - si l'on veut ne pré-forment pas l'expérience -, on pourra toujours se demander si celle-ci est bien conforme aux concepts et jugements à priori.

Exemple: tout effet à une cause, certes, c'est dans la définition même, mais est-ce que tout les changements de la natures sont des effets? S'ils ne sont pas des effets, ils n'ont pas non plus de cause. La qualification d'"effet" pourrait être mise en question et critiquée, sauf si Kant parvient à démontrer que sans le concept de causalité, aucune expérience temporelle n'est possible.

CRP, Introduction, 1

1. De a différence de la connaissance pure et de la connaissance empirique

"[...] des objets qui frappent nos sens, et en partie produisent d'eux-mêmes des représentations, en partie mettent en mouvement notre activité intellectuelle pour comparer ces représentations, pour les lier ou les séparer, et élaborer ainsi la matière brute des impressions sensibles en une connaissance des objets, qui s'appelle expérience [...]"

Par "objet" Kant veut dire "chose en soi" je suppose.

"Selon le temps aucune connaissance ne précède dons en nous l'expérience [...]"

Selon le temps... Cela signifie qu'aucune connaissance de ce qui se donne dans le temps - empirique - ne précède l'expérience. Mais cela ne signifie pas qu'une connaissance ou une "pré"-connaissance intellectuelle n'est pas possible en dehors de ce qui se donne dans le temps.

Il y a peut-être des connaissances pures, à priori, intellectuelles, nouménales face aux connaissances empiriques, à posteriori, expérimentales, phénoménales.

Distinction entre connaissance à priori et dans celles-ci celles qui sont pures, c'est-à-dire n'empruntent rien à l'expérience ni à la forme d'une expérience possible (espace et temps). Par exemple: "tout changement à sa cause" est une connaissance à priori, mais pas pure.

Kant ne donne pas d'exemple de connaissance pure, mais je suppose que la logique, en tant que science de la forme de la pensée elle-même, en est une. A = A est trivialement une connaissance pure.

lundi 2 novembre 2009

CRP, Préface de la deuxième édition: la liberté.

"Du même être donc, par exemple de l'âme humaine, je ne pourrais pas dire que sa volonté est libre, et qu'elle est en même temps soumise à la nécessité de la nature, c'est-à-dire qu'elle n'est pas libre, sans tomber dans une contradiction flagrante; en effet, j'ai pris l'âme dans les deux propositions dans la même signification, savoir comme chose en général (chose en soi) [...]"

Sur base de la distinction entre la chose en soi et des phénomènes, la liberté devient pensable. Car seuls les phénomènes sont soumis au temps et à l'enchaînement de la causalité, pas la chose en soi; cela permet au moins de penser la liberté comme possible. Ce qui m'étonne ici est que Kant prenne l'âme humaine comme exemple d'un "être" phénoménal.

Quoi qu'il en soit, il est clair en suivant Kant dans sa distinction critique entre phénomène et chose en soi, que la causalité, possible uniquement dans le cadre des formes de l'intuition sensible que sont l'espace et le temps, détermine les phénomènes seuls, et pas les choses en soi. Ce qui permet au moins de penser la liberté comme possible en général dans l'au-delà des choses en soi.

Préface de la deuxième édition: la chose en soi.

La chose en soi doit pouvoir être pensée, mais elle ne peut être connue, car la connaissance suppose une intuition. La chose en soi doit pouvoir être pensée car sinon nous ne pourrions penser l'intuition comme expérience d'une donnée, ce qui est son essence. Dans l'intuition sensible je suis affecté comme d'un inaccessible extérieur, d'un au-delà de toute expérience possible.

Il ne faut pas y voir un retour de la métaphysique spéculative, dénoncée par Kant, mais une nécessité liée à l'essence de l'intuition elle-même comme manifestation (Erscheinung). En effet: il serait absurde de concevoir une manifestation sans quelque chose (en soi) qui se manifeste.

Préface de la deuxième édition: de la connaissance apodictique.

Une connaissance apodictique est une connaissance nécessaire. "Je suis né à Bruxelles" est vrai mais n'est pas nécessaire. "A=A" est nécessaire, le "triangle isocèle à trois côtés égaux et donc nécessairement trois angles égaux" est nécessaire dans un espace euclidien. Mais "l'espace a trois dimensions" est-il nécessaire? A priori, selon les formes de notre intuition humaine, oui. En ce qui me concerne du moins, je doute de pouvoir un jour avoir l'expérience sensible d'une chose s'étendant dans quatre dimensions spatiales. Et pourtant la physique du 20ème siècle envisage sérieusement la possibilité d'un espace à plus de 3 dimensions.

La science de Kant semble pouvoir être achevée définitivement à priori, la nature ayant juste à confirmer nos concepts. Mais que dirait Kant de la mécanique quantique ou de la relativité générale? La nature nous a ri au nez quelques fois et nous avons dû revoir nos concepts de fond en comble.

Cela infirme-t-il la conception qui s'annonce dans la CRP?

D'un certain point de vue, non. Car quoi qu'il arrive de nos concepts et d'où qu'ils naissent et meurent, il n'en reste pas moins qu'à travers des dispositifs expérimentaux simple ou complexes, ce sont toujours nos conceptions que nous vérifions ou falsifions.

Mais c'est une question à surveiller de près!

"C'est ainsi que les lois centrales du mouvement des corps célestes procurèrent, à ce que Copernic n'admettait au début qu'à titre d'hypothèse, une certitude achevée[...]"

L'hypothèse, confirmée ou non, reste une hypothèse, et non une connaissance sure et définitive.

Nous savons aujourd'hui que Copernic n'était pas loin, mais n'y était pas... Alors, sa théorie n'était-elle pas une simple hypothèse?

dimanche 1 novembre 2009

Préface de la deuxième édition: phénomènes et noumènes.

Physique et métaphysique ne se séparent pas dans la CRP, tant que l'une et l'autre s'occupent d'objets d'une expérience possible. Les concepts à priori de la raison, considérés en eux-mêmes - les noumènes - sont les mêmes que ceux qui sont expérimentés dans l'expérience sensible - les phénomènes -, en quelque sorte "incarnés". Dans la CRP, Kant veut seulement limiter le domaine de la métaphysique aux concepts dont on peut faire l'expérience via la sensibilité.

La métaphysique pense des objets, la physique connaît les mêmes objets, les uns sont noumènes, les autres phénomènes. La métaphysique doit se limiter aux objets d'une connaissance expérimentale possible. Dans le phénomène l'objet est expérimenté, dans le noumène l'objet est pensé pour lui-même. Mais dans aucun cas une chose en soi n'est donnée ni pensée. Les choses en soi de la nature nous sont à jamais inconnues et aucune chose en soi n'est "expérimentée" par la raison pure.

Préface de la deuxième édition: révolution copernicienne.

"En effet, l'expérience elle-même est un mode de connaissance qui exige l'entendement, dont je dois présupposer la règle en moi-même, avant que des objets me soient donnés, par conséquent à priori; et cette règle s'exprime en des concepts à priori, sur lesquels tous les objets de l'expérience doivent nécessairement  se régler et avec lesquels ils doivent s'accorder."

"[...] les objets, ou ce qui revient au même, l'expérience dans laquelle seule ils sont connus (comme objets donnés) se règle sur ces concepts [...]"

Révolution copernicienne: le sujet - transcendantal - au centre et au fondement de l'expérience.

Je ne pourrais reconnaître la circularité de cet objet sur mon bureau, si je n'avais pas à priori conçu le concept de cercle. Si l'on veut, dans l'expérience des objets, nous re-connaissons ce que nous y apportons. Dans la circularité de l'objet je re-connais mon concept de cercle et il n'y a aucun concept de cercle qui puisse m'être donné par les sens. L'expérience est donc la conjonction ou la rencontre des formes de la raison et du donné sensible.

"[...] nous ne connaissons à priori des choses que ce que nous y mettons nous-mêmes."

La "révolution copernicienne" consiste à renverser le rapport du sujet de la connaissance et de l'expérience à travers laquelle il connait: le sujet devient constitutif de la connaissance parce qu'il devient constitutif de l'expérience elle-même.

Préface de la deuxième édition: les sciences théoriques

"Ils comprirent que la raison n'aperçoit que ce qu'elle produit elle-même d'après son projet, qu'elle doit prendre les devants avec des principes qui déterminent ses jugements suivant des lois constantes, et forcer la nature à répondre à ses questions, au lieu de se laisser conduire par elle comme à la laisse; car autrement, des observations faites au hasard et sans aucun plan tracé d'avance ne se rassemblent pas en une loi nécessaire, ce que cherche pourtant la raison et dont elle a besoin."

Kant nous présente à la fois une méthodologie pour les science théoriques (mathématique et physique) et un fondement pour les sciences. Mais que nous puissions trouver en nous le fondement des sciences objectives n'est pas un hasard; si nous pouvons, pour les mathématiques et la physique, "déterminer à priori leur objet" et expérimenter empiriquement, par la suite, cet objet même, c'est que la raison est, en quelque manière, fondatrice de cet objet. La raison humaine est fondamentalement impliquée dans l'expérience que nous faisons de la nature: "il y a de la raison" dans les objets de mon expérience phénoménale.

"La physique [...] doit, conformément à ce que la raison elle-même met dans la nature, chercher en celle-ci (et non s'y figurer) ce qu'elle doit en apprendre, et dont elle ne pourrait rien savoir par elle-même."

Mais il est fondamental de ne pas se tromper: la science de la nature n'est pas la science de la raison ou d'une partie de celle-ci. L'expérience est essentielle à la science, car si c'est bien nous qui posons la question selon nos concepts à priori, c'est la nature qui y répond.

Si je comprend bien: si l'expérience a rendu caduque certaines parties de la physique classique, et à ainsi poussé les physiciens à développer la mécanique quantique, par exemple, c'est toujours et encore à travers des dispositifs expérimentaux et des attentes pré-formulées selon une forme qui est celle de notre raison. Et par la suite c'est encore à travers des conceptions rationnelles produites à priori que nous avons questionné l'univers.

Pour résumer: Kant veut une science où la théorie est première, une science fondée sur une connaissance à priori de l'objet, ce qui n'est possible que si l'objet se règle sur nos concepts. Un des objectifs de la CRP sera de montrer comment et pourquoi il est nécessaire que les objets se conforment à nos concepts à priori. Je pense que l'on peut anticiper ces développements dans le terme de conformité, où l'on trouve à la fois la notion de forme et celle de synthèse du préfixe que je ne nommerai pas, le pauvre.

Préface de la deuxième édition: intention de Kant

Dès le premier paragraphe de la P2ED, l'intention initiale de Kant est claire: la raison est détentrice d'une connaissance à priori et toute connaissance objective ne sera jamais connaissance que de ce que la raison contient déjà, même si cette connaissance doit nécessairement, pour être valide, être appliquée à une expérience sensible. Donc pour Kant pas de connaissance des choses en soi et pas de "choses en soi de la raison elle-même".

Kant semble partir d'un postulat de départ: il y a des connaissances à priori et l'homme - sa raison - par sa spontanéité en est le détenteur. Pas de place pour le tâtonnement, pas de place pour une science qui serait créatrice de concepts ad-hoc. Kant veut une science apodictique, nécessaire, à priori, absolue.

On peut d'emblée en déduire que Kant veut fonder une forme de Liberté humaine, même si cette liberté n'est ni une liberté individuelle ni une liberté d'action. La spontanéité de la raison, sa capacité à pré-former, pré-voir ou mettre en forme l'expérience selon ses concepts "spontanés" - donc pas issus d'une expérience passive et pas non plus inventés - est la preuve que l'homme peut atteindre le fond et le fondement et qu'il est lui-même le détenteur de ce fondement.

Mais cela implique aussi que ce que l'homme connaît n'est que son monde, pas le monde tel qu'il est en soi - en dehors de notre faculté de le connaître - et que cette faculté de le connaître est aussi et avant tout une faculté de le rencontrer, de le faire être pour nous.